Fansub par ci, fansub par là !
Hier, je regardais un épisode des Chroniques de la Guerre de Lodoss (pour ceux qui ne connaissent pas, c’est à voir d’urgence), et je me suis dit qu’on ne parlait pas assez des fansubbers et de l’assez gros monde du fansubbing. Mais qui sont donc toutes ces personnes qui passent des jours et des nuits à traduire des centaines d’épisodes ? Quelle est donc l’influence du fansub ? Ce qu’il faut savoir c’est que les fansubs sont produits par des purs passionnés ! Même si parfois la qualité laisse un peu à désirer…
Le fansub a pour but de faire découvrir des œuvres vidéos indisponibles dans leurs pays. Le fansubbing est né d’une demande toujours croissante pour les dessins animés étranger (surtout ceux produits au Japon). A cause du nombre limité de licences détenues par la télévision française, les amateurs d’animes n’avaient que peu de séries disponibles.
Le public a donc dû apprendre à se débrouiller tout seul. Originellement les séries et sous-titres se trouvaient sur VHS ou Laserdisc. Pour produire une VHS « maitre » ou un laserdisc du même nom on avait alors besoin d’une bonne longueur de câbles, deux magnétoscopes (ou laserdisc), d’un ordinateur et bien sûr d’un raw de qualité. Maintenant il suffit de n’importe quel ordinateur, d’un des nombreux softs disponible et toujours d’un raw de bonne qualité.
Un raw ? kézako ? « Raw » est un mot anglais qui, lorsqu’il désigne un matériau, veut dire « brut ». En fansubbing, le raw est donc le dernier épisode qui vient de sortir, tout chaud et sans sous titres. C’est la matière première que vont travailler les teams. Je vous propose un petit lexique afin de bien tout comprendre.
Raw : qui est donc un épisode dans une langue étrangère quelconque sans sous-titres
Sub : abbréviation anglaise de « subtitle ». Désigne un fichier qui ne contient que les sous-titres du raw.
Dub : doublage, remplacement de la piste audio par une traduction (très rare cependant).
Hardsub : sous-titre incrusté dans la vidéo
Softsub : sous-titre séparé de la vidéo (peuvent être désactivés etc…)
Transcript : Transcription des dialogues originaux en fichier texte afin de les traduires.
Team : Groupe de fansubber travaillant en équipe.
Release : Produit final d’une team, qu’il soit en hardsub ou en softsub.
Détaillons un peu le processus du fansub pour comprendre l’implication des subbers dans leur passion. Dorothé alias mpm explique comment elle s’y prend pour traduire un épisode de « True Blood ».
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«La vidéo sort vers 3 ou 4h du matin le lundi matin. On la récupère en ligne. Vers 8-9h, on récupère un transcript, c’est à dire la retranscription des dialogues de la série dans sa version pour sourds et mal entendant – le plus dur à trouver. Ce sont souvent des Américains ou des Chinois qui mettent la main là-dessus. On sait où les trouver, et il y a un réseau international de fansubbers. Je suis en contact avec des Hongrois, des Italiens, etc.
Il faut ensuite nettoyer le texte des indications pour sourds et malentendant, et recaler tous les sous-titres en VO sur la vidéo, en respectant des normes de durée des sous-titres et de longueur de phrases – que l’œil ait le temps de lire les sous-titres. On appelle ça la synchronisation, et il faut deux à cinq fansubbers pour la faire. Ça prend environ une journée. Ensuite, on répartit les sous-titres vers d’autres fansubbers, qui vont être chargés de la traduction.
Sur True Blood, ils sont cinq, qui font dix minutes de série chacun, puis se relisent les uns les autres pour être sûr qu’il n’y a pas de fautes. Enfin, les textes remontent vers le sommet de la team, pour une relecture finale – pour optimiser le sous-titre, le rendre plus fluide, l’harmoniser, faire qu’il colle au ton des personnages. Au total, il nous faut en moyenne trois jours et sept personnes pour un épisode d’une heure. »
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Bien que le fansubbing soit la solution à la médiocre diversité des licences françaises, sans compter la programmation un poil fantasque ; il n’en reste pas moins une activité illégale . En effet, le fansubbing est « toléré » dans le sens où aucune sanction judiciaire n’a été réalisée contre les teams.
La traduction sauvage est normalement contraire au respect des droits d’auteurs des propriétaires des séries. Cependant le fansub continue d’exister pour de nombreuses raisons :
- Comme dit tout à l’heure il nous permet d’avoir accès à des films et séries qui ne seront probablement jamais disponible en France.
- Les chaines censurent certaines scènes (même si c’est de moins en moins fréquent).
- Les adaptations légales sont souvent de piètre qualité.
- Les teams de fansubs sont très souvent fairplay et stoppent la diffusions de sous-titres une fois la série licenciée en France.
- Et la principale raison : les teams permettent de crée le buzz autour des nouvelles séries ! Ceci avant même qu’elles n’arrivent en France. De ce fait, beaucoup de publicité est faite à titre gratuit renforçant la popularité des licences et favorisant aussi la vente des produits dérivés.
Ceci dit, tout le monde peux devenir subbers et créer sa propre team, cette liberté à aussi un prix : dans notre cas il s’agit de la qualité de la traduction. Il ne faut pas oublier que traducteur est un métier professionnel (sans compter la synchro et tout ce qui va avec). Même avec beaucoup de bonne volonté, il est rare d’atteindre un tel niveau en fansub. Cependant c’est un excellent point de départ pour le devenir, et certaines teams à force d’efforts et de passion sont devenue professionnelles.La qualité d’un fansub est aussi déterminée par le nombre de personnes qui travaillent dessus ainsi que le temps passé dessus.
Il y a d’ailleurs une certaine inquiétude au niveau des professionnels du sous-titrage. La popularisation du fansubbing contribue à la dévaluation de ce métier par les grandes compagnies.
«Nous sommes la première victime de cette crise, la soupape de sécurité», regrette Sylvestre (subber). «Tous les métiers de la traduction sont menacés, parce que c’est une activité de moins en moins prise au sérieux. Nos interlocuteurs se foutent de la qualité de notre travail, et au final, c’est le public qui trinque», renchérit Chloé (subbeuse).
Je vous invite à découvrir un reportage (en anglais désolé) qui retrace l’histoire du fansubbing et qui surtout donne son point de vue sur le subbing moderne. Même si je ne suis pas d’accord avec tous les arguments proposés, il faut reconnaitre qu’il y a un bon fond de vérité là-dedans.
Pour faire un petit résumé : l’auteur attaque le fansubbing moderne, l’accusant de gâcher l’œuvre originale avec des sous-titres intrusifs et illisibles. Il dénonce aussi des traductions approximatives et un manque d’implication de certaines teams sur leurs travaux.
Je vous conseille aussi d’aller jeter un œil à ces deux excellents articles que j’ai trouvés sur slate.fr. Avec un petit extrait pour vous mettre l’eau à la bouche :
[box type= »info » style= »rounded » icon= »none »]La principale «team» que j’anime compte par exemple 23 personnes, dont neuf étudiants et quatorze actifs allant du réceptionniste en préfecture au contrôleur aérien…» Difficile de chiffrer exactement l’importance de cette communauté tant elle évolue en permanence – on peut devenir fansubber du jour au lendemain, et partir sans donner d’adresse.[/box]
Bref, le fansubbing est un monde en constante évolution qui ne cesse de s’adapter aux changements. Bien que tout le monde puisse en faire de nos jours, il faut vraiment être un passionné et s’impliquer vraiment dans sa team pour pouvoir espérer en tirer une quelconque reconnaissance et peut être se lancer dans le sous-titrage pro (même si ce secteur bat un peu de l’aile).
Bonne soirée !